Parcours atypique que celui de Marcelle Gallois (1888-1962), devenue Mère Geneviève Gallois après son entrée en religion chez les Bénédictines du monastère Saint Louis du Temple, rue Monsieur, en 1917.
Intransigeante et rebelle, elle suit pourtant l’enseignement académique d'Alexandre Courtines, son professeur aux Beaux-Arts de Montpellier, de janvier 1905 à juin 1909. Son père l’installe à Paris en 1909, sous la protection de son ami, Adolphe Willette. Elle perce très vite dans le dessin satirique et expose en Suisse en 1911, au Salon des Dessinateurs humoristes à Paris puis à Bruxelles à partir de 1912, au Salon de la Société Nationale des Beaux Arts au Grand Palais de 1912 à 1914, où elle est élue membre associé, à vingt-quatre ans.
Son avenir semble prometteur. Mais deux évènements vont bouleverser ses projets : la guerre et surtout sa rencontre avec les Bénédictines de la Rue Monsieur et Dom Besse en 1914. A partir de cette date, son activité artistique la dégoûte, elle cherche sa voie. « Maintenant, tant de souffrances nous relèvent. Il faut dire l’héroïsme et avoir pitié de la misère. Et le dessin satirique reprendra ses droits lorsque nous reprendrons la vie en paix…» écrit-elle à son amie Emma Vollant. Elle franchit la porte du monastère en 1917 et reçoit le nom de soeur Geneviève avec l'habit de novice, l'année suivante.
Si elle avait poursuivi dans le domaine artistique, elle aurait sûrement pu égaler des Steinlen, des Forain, des Daumier, des Toulouse-Lautrec, des Rouault, avoir des galéristes, des critiques d’art, être cotée, vendre. Elle aurait pu aussi rejoindre les Ateliers d'art sacré à leur création en 1919 !
Dans le silence du monastère, elle va travailler à l’atelier d’ornements liturgiques sous la férule de Mère Emmanuel qui, comme ses maîtres aux Beaux-Arts, à Montpellier, peine à comprendre l’art de Mère Geneviève. Mais sa vocation religieuse prime tout, et cette fois-ci, elle s’incline, sans toutefois renoncer à son style artistique qu’elle définit comme un « plongeon au fond de mon âme et la recherche de la ligne essentielle qui l’exprime. Quant à faire un dessin quelconque à l’eau de vaisselle, j’en ai horreur. »
Lors d’une kermesse en 1931, un amateur d’art veut acquérir une série de dessins sur Jeanne d’Arc et rencontrer son auteur. De là va naître une longue amitié et de nombreux échanges épistolaires entre le docteur Paul Alexandre, découvreur par ailleurs de Modigliani, et soeur Geneviève. Le docteur lui passe des commandes pour des faire-parts de naissance, des images de communion de sa nombreuse famille, et surtout pour un ensemble de 157 gouaches sur la vie monastique. Lors de ses vœux définitifs, en 1939, Paul Alexandre lui offre une presse à graver. Elle ne s’en sert qu’au retour de l’Exode et peut, en 1951, faire éditer ses eaux-fortes du Via Crucis, très vite remarquées dans le milieu de l’art. Marie Laurencin, Rose Adler deviennent proches. En 1953, elle expose à la galerie Colette Allendy puis, en 1954, elle publie La vie du Petit Saint Placide qui la fera connaître d’un plus large public.
Alors qu’elle travaille aux gravures de l’Évangile de Luc et qu’elle maîtrise parfaitement l’art de la gravure, Paul Alexandre lui passe commande de vitraux pour l’église de Petit-Appeville, près de Dieppe. Ceux-ci seront posés en 1955. Forte de cette expérience et des conseils d’un maître-verrier, et malgré une anémie et des migraines, elle se lance dans la réalisation complète de la grande verrière et des vitraux de l’abbaye de Limon, récemment construite. Elle meurt dix jours après avoir posé le dernier vitrail.